mardi, avril 07, 2009

Les journalistes ont peur et ils ont raison.


Les journalistes ont peur et ils ont raison.

Il y a quelques années, l’infomaniaque Jean-René Dufort s’était fait retirer sa carte de la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec parce qu’on ne le trouvait pas assez sérieux et crédible. Le malaise s’amplifiait dans la communauté journalistique devant l’importance que prenait l’infotainment. De penser que la nouvelle pouvait être traitée différemment et avec une certaine « complaisance humoristique » hérissait les journalistes de l’écrit et de l’électronique.

Il s’agissait d’une menace claire aux formes de journalisme établies depuis des lustres et surtout à leur crédibilité.

Quelques années plus tard, voilà que l’éclatement de l’imprimé se confirme, que la multiplication des chaînes câblées étrangle les chaînes généralistes et que l’Internet est, comme prévu, le chef de file en livraison de nouvelles.

Les journalistes, eux?

Ils sont devenus ce qu’ils craignaient : Une quantité négligeable dans une mer d’information. Bien sûr , la crédibilité des grands journaux et des grands réseaux permet une meilleure transition des journalistes vers le net. Il en va de même pour les éditorialistes et chroniqueurs faisant partie dans grands diffuseurs, mais l’impact de leur travail sur la société s’amenuise grandement car, avec la blogosphère et toutes les sources formelles et informelles d’information, il faut faire des choix de lecture et certaines plumes de talent s’en trouvent pénalisées. Aussi, le multiplication des moyens de diffusion des contenus diminue le besoin de journalistes pour chacun des médias. Les grands diffuseurs se foutent de plus en plus de la qualité du travail des gens de l’écrit car ils ne sont plus les vedettes de l’info mais ce qu’il faut pour couvrir des vedettes. Ils remplissent des pages et des écrans avec les mêmes topos…mais avec différents annonceurs.

Et les blogues?

Une pollution intellectuelle inutile nuisant aux journalistes de métier? Bien sûr que non. Tous les médias traditionnels ont envahi depuis belle lurette le paysage en imposant à leurs journalistes la blogosphère. Le problème c’est que ces blogues sont des articles déguisés qui continuent à faire partie de l’empire de presse d’où ils viennent…et le bon peuple commente en se croyant vraiment «dans’l coup». Mais comme les revenus publicitaires du web sont vus comme le futur de l’écrit pour les grands groupes, cette fausse démocratie va se poursuivre en s’accélérant. Et avec Facebook, Twitter et cie, les futurs adultes consommateurs d’information seront vraisemblablement plus attachés au contenant qu’au contenu. Ces réseaux où l’acte de publier une photo d’un sandwich est un geste de communication ont pour effet de banaliser la publication d’une réflexion ou même d’une œuvre. Même chose pour la musique gratuite sur MySpace ou le présent blogue où je suis en train d’écrire et vous, de lire.

Vous lisez en fait une simple publicité pour Blogger, Google en fait, qui me permet de m’exprimer «gratuitement» en me faisant croire que mon opinion compte vraiment dans une marée de millions d’utilisateurs.

Plus que jamais, le « médium c’est le message» de Macluhan est notre réalité et la publication d’une photo d’un sandwich un acte de communication.

Les journalistes ont peur et il ont raison, l’exposition de leurs idées et de leur travail est de plus en plus diluée et accessoire dans le monde dans lequel on vit. Les rumeurs du web vont devenir la réalité et prendre le pas sur une enquête ou un reportage bien ficelé.
Parlez-en aux journalistes du Journal de Montréal/ Rue Frontenac qui ont été lâchement mis en Lock Out. Le Journal de Montréal est toujours publié grâce aux annonceurs, aux chroniqueurs comme ce « planétaire de bonté et d’égalité sociale qu’est Richard Martineau » et au bon peuple qui se fout de la qualité du journal qu’il saupoudre de jus de Big Mac après avoir lu le 24 Heures dans le métro.

Dans un tel contexte, que penser de l’avenir des conditions de travail des journalistes?

Et Jean-René Dufort là-dedans?

Diffusé à heure de grande écoute, il est plus pertinent que jamais parce qu’il nous montre l’envers du décor rarement présenté, parce qu’il brise les conventions établies entre le journaliste et ses sources tout en ayant accès aux mêmes conférences et de presses et événements que les autres journalistes. Il offre vraiment une couverture différente.

"Seuls les plus petits secrets ont besoin d'être protégés. Les plus gros sont gardés par l'incrédulité publique." Marshall Macluhan

2 commentaires:

  1. Wow... et re-wow! Tu devrais envoyer ça au Devoir.

    Quelle période de transition quand même. Le net est de loin ma source d'information préférée. Pas pour rien que les papetières en arrachent, car je ne suis pas seul. Quand à Infoman, c'est toujours tordant, irrévérencieux, et gare à celui ou celle qui refusera de donner une entrevue à Dufort. Dion a essayé et a dû se raviser, puis... ah! Passons.

    Qui peux savoir ce que ce sera dans 10 ans l'Information? Tout tourbilonne, le contenu est disponible sur le net, les opinions diverses d'un même sujet aussi. Place au discernement.

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  2. La recherche universitaire a le même problème, d'une certaine manière: où, dans le bric-à-brac qu'est internet, asseoir la crédibilité? Si je publie quelque chose, comment et par qui me faire évaluer pour que d'autres fassent confiance à ce que j'écris?

    EBay a un système d'évaluation des vendeurs avec étoiles et commentaires sur le service. Ça fonctionne plutôt bien, mais surtout avec peu d'évaluations,la garantie que donne la masse est faible. D'autres systèmes existent cependant. Par exemple, ce qu'a essayé Outfoxed: réseau "d'experts" formés de connaissances ou de "connaissances de connaissances", où les recommandations sont pondérées en fonction de la distance par rapport au chercheur d'informations.

    Comment "croire" en un article de Wikipedia? Ou un article scientifique publié sur un site obscur par une personne obscure? Un système d'évaluation basé sur la masse ET sur d'autres facteurs reste à définir!

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